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Biophilia

Quand les artistes réinventent la distribution musicale

L’expansion, 7 octobre 2011

Le nouvel album de Bjork, qui sort lundi prochain, a été composé en partie sur iPad et est déjà vendu sous forme d’applications iPhone. Sans être aussi conceptuels, des tas d’artistes expérimentent des modes de commercialisation alternatifs pour vendre leurs albums.

Le nouvel album de Bjork, Biophilia, sort le 10 octobre. Mais les fans le connaissent déjà par cœur depuis longtemps. Depuis le mois de juillet, la chanteuse islandaise distribue ses chansons sous la forme d’applications mobiles pour iPhone et iPad : paroles, musique, animations, mais aussi jeux et possibilité de détricoter et de remixer les titres... Chaque application complète et fait partie intégrante de l’univers conceptuel de l’album, en partie composé sur iPad.

Sans aller jusqu’à proposer un concept total d’"app album", nombreux sont les artistes à tester de nouvelles voies pour distribuer leur musique. Que ce soit dans un but artistique, commercial, ou pour lutter contre le piratage.

Blondie, par exemple, a choisi de ne vendre son nouvel album "Panic of Girls", sorti le 13 septembre, qu’aux internautes. Amazon en est le distributeur exclusif, que ce soit pour les supports numériques ou physiques. Ce type d’accords est une nouvelle ressource financière pour les maisons de disques et sert de produit d’appel pour les distributeurs. On l’a vu avec la promotion géante organisée par Lady Gaga et Amazon, qui avaient mis en vente son dernier album à 99 cents sur le site.

Des prix qui ne veulent plus rien dire

Il y a 15 ans, on n’aurait pas imaginé vendre un album à ce prix là. Les prix suivaient une règle temporelle assez stricte : en général, plus ça allait, plus ils baissaient. Ce n’est plus le cas. Il est difficile pour le consommateur de savoir combien vaut réellement la musique : on peut acheter les titres à l’unité, les prix sont différents d’une plateforme à l’autre, selon qu’on achète un CD ou qu’on télécharge.

"Les grosses promotions ont commencé à la fin des années 90, précise Jean-François Moreau, professeur d’économie à l’Université de Bretagne Occidentale, spécialisé dans l’économie de la musique. Aujourd’hui les prix font du yoyo. L’histoire de Lady Gaga montre que le disque n’est pas du tout sa ressource principale. Sur les 20 plus gros revenus liés à la musique aux Etats-Unis, 70% viennent de la scène, 10% du disque, 10% des droits, et 10% de sources annexes comme la publicité. Faire un disque ne fait plus gagner beaucoup d’argent, mais c’est encore un passage obligé pour la notoriété."

Le manager de la chanteuse a donné corps à cette vision, lors de la dernière conférence de presse de Facebook. Il a déclaré que si cela ne tenait qu’à lui, le prochain album de Lady Gaga serait carrément gratuit, pour pouvoir toucher un maximum de gens.

Processus de tâtonnement

"On est vraiment dans un processus de tâtonnement. En moins de 10 ans, les ventes de disques se sont effondrées de 50%, l’industrie musicale est donc à la recherche de modèles alternatifs. La vente traditionnelle de CD n’est plus suffisamment lucrative", explique Jean-François Moreau.

Les artistes se lancent donc dans diverses expérimentations commerciales, hors des circuits de distribution classiques. On a vu Radiohead différencier le prix de son album en fonction de la qualité des fichiers, et mettre en ligne les différentes pistes de ses chansons pour permettre aux internautes de faire leur propre mix ; Kanye West distribuer une chanson gratuite tous les vendredis ; Moby distribuer le dernier live de sa tournée " Destroyed" uniquement en commande sur son site internet officiel.

Même le spectacle vivant se met à la révolution internet : Florent Pagny a vendu les billets pour sa tournée en exclusivité sur Vente-privée.

Moralité, pour ne rien louper de la production musicale actuelle, il vaut mieux avoir internet et un smartphone.

par Par Raphaële Karayan (http://lexpansion.lexpress.fr) publié dans L’expansion