Retours sur Björk Digital à Houston

Suite aux accusations de sexisme rapportées par Björk sur sa page Facebook et reprises par de nombreux médias, notamment français, un bilan sur l’exposition et le dj set s’impose.

Björk était l’une des têtes d’affiche très attendue du festival Day for Night à Houston. Elle ne s’était pas produite au Texas depuis neuf ans, ce qui peut expliquer, en partie, les quelques frustrations reportées après ce court week-end.

Exposition

À la différence des autres résidences qui s’installaient sur au moins 10 jours, Björk Digital s’est déroulé à Houston sur deux jours seulement. Présentée comme l’un des moments forts du festival, l’exposition a été victime de son succès.

"We wanted to see Lower Dens at 5. We wanted to see Odesza, but that’s kind of over," she said. "But we thought this was an experience we wouldn’t be able to have in any other environment so it’s worth it."

Katheryn Mitchell was in line by 2:30 p.m. At 7:30 p.m. she was still in line.

Il aura donc fallu beaucoup de patience aux visiteurs pour vivre l’expérience Björk digital, et non pas sans quelques difficultés techniques. En cause, le temps humide et la buée qui se formait dans les casques et le brouhaha du festival qui est venu parasiter l’expérience, la plongée dans la réalité virtuelle nécessitant un minimum de calme.

Le journaliste du Chron reste compréhensif en concluant son article par : « But avante garde art is often uncomfortable at first. Audiences need a moment to learn how to experience it before they move on to evaluating it. The technology is not easy, but as it becomes more ubiquitous it’s easy to see the possibilities. »

Dj set

Du côté des félicitations, le journal local Houston Press souligne « son usage de la musique traditionnelle combinée à des sons naturels et à des codas longs et réflexifs crée une expérience puissante pour ceux qui étaient prêts et désireux de la vivre. »

Suite à sa prestation, 17 nouveaux titres ont été identifiés et ajoutés à la playlist Björk Digital, soit environ 4 heures de musique, des titres de techno industrielles assez énergiques, pour ne pas dire énervés (Rabit, Emptyset), des moments de grâce avec de nombreux instrumentaux classiques et d’autres pépites brutes à découvrir.

Du côté moins réjouissant, les retours parfois négatifs de certains médias, un set qui laisse pantois certains journalistes et un public certes enthousiaste, mais parfois un peu perdu :

The crowd remained rapt and respectful but didn’t always seem to know what to do. They sometimes clapped and screamed at awkward intervals, unsure if their Icelandic queen was paying attention. But the giddy wave she gave at the end seemed to indicate she felt the love.

houstonchronicle.com

Retour mitigé :

The garden-themed stage camouflaged Bjork leaving many wondering if she had even showed up yet, and the screens around her were all turned off which did not seem intentional. I respect Bjork’s dedication to push boundaries in the music medium but her set did not open my eyes to the genius that I seem to be missing.

glidemagazine

parfois, frustration totale :

Biggest WTF ?, Part 2 : Björk Digital
The biggest question of the weekend, many speculated what we would see from the Icelandic luminary, so much that the crowd surged towards the Blue Stage to catch a glimpse of her Sunday set. Sadly, no one saw much of anything, as Björk played sound collages of Native and Spanish folk songs amongst a screen of foliage — yes, you read that correctly — dimly lit by blacklight and a neon LED costume. Any truly devoted fan would chalk it up to Björk being Björk. It left everyone else scratching their heads.

houston.culturemap.com

Photo by Roger Ho

Une déception liée, en partie, à la communication du festival qui n’a, semble-t-il, pas assez insisté sur la nature de la performance : un voyage sonore à travers ses goûts éclectiques, une sélection musicale pointue, non pas une performance scénique. La mise en scène, pourtant déjà connue - masquée, cachée au milieu d’un décor végétal - n’a pas été comprise par une partie des spectateurs qui souhaitent absolument la voir. Ce malentendu a été renforcé notamment par la présence d’écrans éteints... ou comment frustrer davantage un public désireux d’apercevoir son idole.

Musicalement, il faut bien l’admettre, Björk propose un dj set souvent décousu, difficile d’accès et qui mériterait d’être plus travaillé. N’avouait-elle pas, il y a quelques mois : « Je suis probablement la plus mauvaise DJ du monde » ? Ce point peut aussi s’améliorer...

Réponse de Björk sur Facebook

De retour du festival, Björk a publié sur sa page une tribune fustigeant le sexisme de la presse musicale, billet qui a été relayé par de nombreux médias, notamment français.

Extraits choisis :

« (…) certains médias n’arrivent pas à comprendre que je ne fasse pas une "performance" et que je me "cache" derrière mes tables de mixage (…) Contrairement à mes homologues masculins. Je crois qu’il s’agit de sexisme. Ce que je ne vais pas laisser passer à la fin de cette tumultueuse année : car nous méritons tous un maximum de changement au milieu de cette énergie révolutionnaire dans laquelle nous évoluons. »

« J’ai chanté sur les galaxies et les atomes mais ce n’est pas avant Vulnicura où j’ai partagé une peine de cœur, que j’ai obtenu la pleine acceptation des médias. Les hommes ont le droit d’aller un sujet à l’autre, à faire de la science-fiction, des pièces d’époque, du slapstick et de l’humour, à être des nerds de musique (…) mais pas les femmes. Si nous nous n’ouvrons pas notre poitrine tout en saignant à propos des hommes et des enfants de nos vies, on trompe notre public. »

« Les femmes dans le monde de la musique sont autorisées à composer et chanter à propos de leurs petits copains » […] Si elles changent de sujet pour parler d’atomes, de galaxies, de militantisme, d’algorithmes rythmiques ou d’autre chose que de leurs amoureux, elles sont critiquées », comme si leur « seule langue était l’émotion ». « Vous avez enfermé Édith Piaf et Maria Callas dans ce rôle » de femmes éplorées après l’abandon ou la perte de l’être aimé. « Faisons de 2017 l’année du changement !!! Le droit à la différence pour toutes les filles !!! ».

Pour 2017, l’équipe bjork.fr souhaite de tout cœur la programmation de Björk digital en France et espère que les organisateurs auront lu, au préalable, ces quelques retours afin de proposer au public une expérience optimale. ;)

Bonnes fêtes !

23 décembre 2016

mis à jour le 25 janvier 2022