Jack Perron

Période

Vespertine

Jack Perron

Musicien/ne

Travail avec Björk

Jack perron a adapté les mélodies des titres Pagan Poetry, Frosti, et Aurora sur l’album Vespertine pour les boites à musique de la société Porter Music Box Company. Il a aussi adapté Cocoon pour une version live lors du Johnny Vaughan Show.

Interview réalisée par bjork.fr

Qu’est ce qu’une boite à musique ?
Jack Perron : Selon la Société Internationale des Boites à Musique, c’est « un instrument qui fait de la musique en pinçant des dents sur un peigne en acier accordé. Les dents peuvent être pincées directement par des picots sur un cylindre en rotation, ou indirectement par des projections à travers un disque en rotation ».

Les boîtes à musique utilisées par Björk étaient des boîtes à musique à disques. Elle possède trois boîtes de tailles différentes :
 une boîte à un seul disque de 15.5 pouces
 une boîte à deux disques (deux disques de 15.5 pouces joués simultanément, chacun possédant une partition légèrement différente)
 une boîte plus petite de 7 pouces qu’elle utilise sur ses genoux.

C’est la boîte pour disque de 15.5 pouces qui a été utilisée pour les enregistrements de Vespertine, je crois. Les boîtes à musique à disque peuvent être assez imposantes, et peuvent jouer des arrangement relativement élaborés. Il est intéressant de remarquer que dans de nombreuses critiques de Vespertine, Frosti a été décrite comme un enregistrement de plusieurs boites à musique superposées. En fait c’est l’enregistrement direct d’un seule boîte a musique.

Parlez-nous de votre travail...
JP : Les fabricants de grandes boîtes à musique à disques ont connu leur période de gloire entre les années 1880 et les années 20. Voilà pourquoi depuis, très peu de morceaux composés ont été mis en musique sur de grands disques. Certains fabricants sont motivés pour produire des disques de musique actuelle, et pendant les 30 dernières années, j’ai créé les masters pour ces entreprises.
Cela consiste à créer une adaptation originale (le plus souvent à partir d’un arrangement familier... les fabricants de boîtes à musique préfèrent à peu près à chaque fois des standards, bien connus du public et facilement identifiables), puis la modifier pour qu’elle puisse être adaptée à un disque. Comme un disque ne peut contenir qu’une minute de musique, j’ai déjà dû prendre des décisions drastiques quant au choix de l’extrait d’un morceau à utiliser.
À l’époque (avant l’arrivée des ordinateurs), j’utilisais un gabarit fait main, une grande loupe, un très grand rapporteur, et le premier piano disponible. Je n’avais pas de studio, et je me glissais discrètement dans les sous-sols des églises ou les salles de danses désertes pour utiliser leurs pianos. Après avoir écrit la partition, je calculais les emplacements des notes, et je marquais les emplacements de ces dernières sur un disque master vierge. Le marquage du disque pouvait prendre deux à trois semaines. Je ne pouvais pas entendre le résultat final avant qu’un vrai disque soit perforé (les projections sont créées d’un coté du disque par perforation), donc la moindre correction d’erreur engendrait un processus long et coûteux.
Aujourd’hui, j’utilise des ordinateurs pour m’assister dans la plus grande partie de mon travail. Je n’utilise aucun logiciel du marché, j’ai préféré écrire mes propres programmes dédiés aux exigences toutes particulières des arrangements pour boîtes à musique.

Pouvez vous expliquer le processus dans le cas des chansons de Björk ?
JP : Au départ, Björk et ses collaborateurs ont contacté un fabricant de boîtes à musique à Randolph (Vermont), pour qui j’avais effectué quelques travaux. Cette entreprise m’a envoyé trois partitions au début (Frosti, Blueprint — Pagan Poetry — et Aurora a été ajoutée. J’ai parlé une fois au téléphone avec Björk, qui m’a donné une vision relativement précise de l’orientation musicale de Vespertine.

Le travail que j’ai réalisé pour Björk était clairement des « adaptations ». Elle avait écrit des arrangements complets avec des boîtes à musique à l’esprit. Sa musique était inventive et magnifique en l’état, et c’était vraiment triste qu’elle ne puisse être transposée directement sur un disque. Par exemple, Frosti était plus long que la minute qu’accordait un disque. Je savais que ma tâche consistait à faire au mieux sans les gâcher.

Ces morceaux devaient être accompagnées de chant (Frosti, à l’origine, comportait une partie chantée), ce qui compliquait ma tâche. Cela limitait toute transposition. La transposition est très utile quand on fait des arrangements pour boîte à musique, car la plupart des peignes ne sont pas chromatiques : il y a beaucoup de notes manquantes, surtout dans les basses. Ils sont conçus pour comporter le maximum de notes dans seulement un ou deux octaves ? clés ? (désolé notre solfège remonte à très loin..). (Pour les boites à musique de 15.5 pouces de Björk, c’était la clé de Fa dièse )

Une autre difficulté était de reproduire d’importantes et très présentes lignes de basse (surtout dans Pagan Poetry et Cocoon). Les disques sont conçus de telle façon que les notes basses soient localisées vers le centre, là où il y a moins d’espace. On ne peut pas y placer beaucoup de notes. En outre, la partie des basses sur le peigne n’est pas chromatique, et des notes importantes n’apparaissent pas. En plus, une même note ne peut être répétée de suite... le mécanisme ne le permet pas. Le "temps d’attente" indispensable est particulièrement long pour les basses. Tout ceci contribue à compliquer l’obtention d’une ligne de basse compliquée avec une boite à musique. Parfois on n’a pas d’autre choix que d’enlever une note, ou de trouver une note alternative qui ne ruine pas le concept musical.
Je pense que j’ai eu de la chance sur Vespertine. Les choses se sont finalement bien déroulées contrairement à ce que je pensais au début. Chaque morceau est un puzzle au départ, et on ne sait jamais vraiment comment cela tourne avant la toute fin du projet. Jake Davies ne m’a faxé qu’une seule fois pour changer une note !

Toutes les chansons de Vespertine pourraient-elles être adaptées pour boîte à musique ?
JP : Et bien It’s in Our Hands serait un challenge amusant, surtout pour essayer de retranscrire certains des samples. J’aime le rythme de l’intro, il rendrait bien avec une boite à musique.
Unison a une mélodie de carillons qui pourrait facilement être jouée par une boîte à musique.
Harm Of Will et Undo ont des mélodies secondaires qui pourraient être adaptées, mais ce ne serait pas mes premiers choix.

Savez-vous pourquoi Björk a utilisé des boîtes à musique pour Vespertine ?
JP : Ce ne sont que des suppositions. J’ai rencontré Björk à Boston, avant sa performance au Centre Wang, et nous avons parlé quelques minutes à propos des boîtes à musique. Juste en passant, elle m’a emmené sur scène avant le concert, la salle était magnifique, le décor totalement vide et nos avons joué tous les disques. Après ça, je crois que nous avons oublié de remettre le disque dans la boite qui devait ouvrir le concert. Je ne suis pas sûr, mais il se peut que le mauvais disque ait été joué. C’est ma faute !
Maintenant, pour ce qui est de ma supposition, je crois qu’elle a dit en interview que l’ambiance de Vespertine était supposée être douillette, intime, domestique, comme quand on est rassemblés autour d’un feu en hiver. Cela correspond bien aux boites à musique, à mon avis. C’est un des rares instruments avec un son intime, prévu pour être entendu par une seule personne. À écouter lors de moment intimes et calmes.

Interview (English version)

What is a music box ?
Jack Perron : Well, according to the Musical Box Society International a music box is "an instrument which plays music via the plucking of teeth on a tuned steel comb. Teeth may be plucked directly as by pins on a rotating cylinder, or indirectly as by projections beneath a rotating disc."

The music boxes Bjork used in Vespertine were disc musical boxes. She has three differently-sized boxes : a single-disc 15.5" box, a double-disc box (two 15.5" discs playing simultaneously, each disc with slightly different scoring), and a smaller 7" disc box for her lap.

The single disc 15.5" box was used for the Vespertine recordings, I believe. Disc musical boxes can be very large, and can play quite elaborate arrangements. Interesting to note that many reviews of Vespertine described Frosti as being "a number of music boxes" layered upon each other. In fact, the recording is a direct, live recording of a single music box.

About your job
JP : Manufacturers of large disc musical boxes had a very brief « heydey » from the 1880’s to the 1920’s. Consequently, very little music written since then has found its way onto the larger tune discs. Some manufacturers are interested in producing discs of newer music, and for the past 30 years or so, I have been creating « master discs » for these companies.

This involves creating an initial adaptation (most often working from a familiar arrangement... music box companies nearly always prefer familiar, standard settings of pieces which the listener can immediately identify), then modifying it to physically fit on a particular music box disc. Because a disc can usually play only 1 minute of music, I’ve already had to make major decisions in choosing which part (or modified parts) of a piece to use.

In the beginning (pre-computer days), I used a homemade metal guage, a large magnifying glass, a very large protractor, and whatever piano I could find. (I did not have a studio, and would sneak into Church basements or vacant town dance halls to use the pianos there.) After creating a score, I would calculate note locations, and physically mark the locations of notes on a blank master disc. Marking the disc could take two or three weeks. I could not hear the completed work until an actual disc had been « punched out » (projections are created on one side of a disc by a punching process.), so that correcting a mistake would be a time-consuming and costly process.

Today, I use computers to aid in most of the work. I do not use any commercially available software. I found it better to write my own programs dedicated to the special requirements of musical box arrangements.

Can you explain the process of the music box adaptation for Björk’s songs ?
JP : Initially, Bjork or her collaborators contacted a music box manufacturer in Randolph Vermont, for whom I had done much work. The music box company sent me three scores initially (Frosti, Blueprint - Pagan Poetry - , and Aurora). (Later, Cocoon was added.) I spoke once with Bjork over the phone after that, which gave me a clear sense of what Vespertine was supposed to be.

The work I did for Bjork clearly were « adaptations » : she had created full, complete arrangements written with music box in mind. Her music was inventive and beautiful as it lay, and it was a shame that it wouldn’t fit on a music box disc as it was. (Frosti was longer than the 1 minute which could fit on a disc.) So, I knew my task was to get it to fit without wrecking it.

An additional problem I had was that these pieces were to be accompanied by vocals (Frosti, I believe, originally had Vocal.) This restricted any transposing. Transposing is a very useful tool when doing music box arrangements because most music box combs aren’t chromatic... there are many missing notes, especially in the bass. Music box combs are designed to have maximum notes in only one or two key scales. (For the 15.5" box that Bjork has, this happens to be the key of F#.)

Another difficulty that occured (especially in Blueprint - Pagan Poetry - and Cocoon) was reproducing important, prominent bass lines essential to the piece. Disc music boxes are designed with the bass notes located towards the center of the disc, where there is much less space. You just can’t fit in a lot of bass notes. Also, as mentioned, the bass part of the comb is not chromatic, and important notes just weren’t there. And in addition, there is the added problem that the same note can’t be repeated right away on a music box... the mechanism doesn’t allow it. The required « wait time » is especially long for bass notes. All this means that it’s very tricky to get a complicated bass line on a music box. Sometimes you just have to leave a note out, or find an alternative note that doesn’t destroy the musical concept.

I think I got lucky on most of the work for Vespertine... things seemed to fall into place more easily than I expected. (Each piece is a puzzle at the beginning, and you never know for sure how things will work out until the very end.) Jake Davies faxed me once during the work (to change a single note !).

Every songs from Vespertine could be converted into music box versions ?
JP : Well, It’s in Our Hands would be fun, especially trying to reproduce some of those sound samples. I like the rhythm of the opening theme, it would work well on music box.

Unison could also work well. I like the rhythmic theme that starts about 50 seconds in. I’d probably use the part from there until about 3:15 in, and then maybe a little of the ending. It would be a trick to get the sound and feel of the « bent notes »... that kind of oriental (?) sound in there.

Sun in My Mouth has a chimes line which could easily be played by a music box.

Harm Of Will and Undo have accompaniment lines which could be played by music box, but wouldn’t be my first choices.

Do you know why she used music box compositions for Vespertine ?
JP : I would be guessing. I did meet Bjork, in Boston, before her Wang Center performance, and we did get to talk for a while about music boxes. (Aside : She took me onstage before the show ...beautiful, ornate, vacant concert hall... and we played through all the discs. When we finished, I think we forgot to put the right disc back on the box to be ready to play as the opening piece...on her lap, with snow falling... not sure, but I think the wrong disc might have been played to start the show. Blame me.)

Now for my guessing about why she used music boxes in Vespertine :

I think she has said in interviews something along the lines that the mood of Vespertine was intended to be cozy, « homey », a « Wintertime around the fire » type of feeling. That would fit with music boxes, I would think. A music box is one of a few musical instruments with an intimate sound quality meant for an audience of one... perhaps best heard in quiet, private moments.

Lien

 Henstoothdiscs

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Collaborateurs

  • Porter Music Box Company

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