Cap difficile du second album pour le bouillonnant sextet islandais. Que ceux qui plaçaient tous leurs espoirs en eux se rassurent tout de suite, c’est du tout bon. La veine du « Life’s too Good » est creusé un peu plus en profondeur, le vernis poliçé d’une production londonienne cédant la place au son plus brut des studios de Reykjavik. Si des treize titres (seize sur le CD), aucun n’a l’attrait immédiat des puissants et limpides « Deus » ou « Birthday », c’est tout simplement parce que le groupe ne cherche plus à nous séduire avec facilité. « Here Today » est un disque agressif dont la beauté n’apparait qu’à celui qui se donne la peine de s’en imprégner complètement. Saisir tous les éléments épars de la musique des Sugarcubes, tenter de percer leur propre logique mélodique est comme essayer d’attraper en même temps six papillons en vol : utopique, épuisant mais follement enivrant. La dualité entre le chant cru, haché d’Einar et celui angélique, presque planant de Björk exploité jusqu’à la lie. L’un n’existe pas sans l’autre. La frénésie qui anime en permanence les lignes sautillantes de basse de Braggi, les rythmes syncopés et fêlés de la batterie de Siggy, le foisonnement de trouvailles sorties des claviers de Magga ou des enjolivures Thor, jamais à court d’idées, tire de sa guitare, fait des Sugarces l’ultime groupe anti-muzak. Impassable en radio entre Sam Fox et Début de soirée. Osez pénétrer la cacophonie attrayante de « Here Today », et vous y découvrirez le tempo saccadé de « Regina » et sa mélodie indélébile et « Eat The Menu », sorte de Rock Lobster » moderne et plus ébouriffant encore. Twist again à Reykjavík. Plus loin, « Key », marche militaire joué par une fanfare d’enfants, « Shoot » et son coldhard glacial ou « Water », clair et transparent comme l’eau de son titre. Rien à jeter, je vous dis. Juste un peu plus d’effort, d’attention et d’énergie de notre part à leur accorder. Avec les Sugarcubes, le plaisir est donnant, donnant. Comme dans la vie.
scan par jeep