Retour sur le concert de Björk à We love Green

Dimanche 3 juin, Björk était la tête d’affiche du festival parisien We love Green. Une 8e édition sous le soleil dont la parfaite organisation et le bon déroulement sont à souligner.

Deux jours intenses de musique clôturés par Björk et son groupe mêlant flûtes, percussions, harpe et machine, ont fusionné « technologie et primitivisme », selon Le Monde.

Björk à We love green, photo : monster m. / youtube

imagine a future, be in it / imaginer le futur et s’y installer

Après un texte introductif explicitant les thèmes de l’album et son engagement écologique et politique.

we have to imagine something that doesn’t exist
carve intentionally into the future
and demand space for hope
weave a matriarchal dome

Nous devons imaginer une chose qui n’existe pas
Sculpter obstinément le futur
Et exiger une place pour l’espoir
Tisser un dôme matriarcal 

Björk est apparue ornée d’un nouveau masque doré et d’une robe orchidée au décolleté plantureux. Elle a ouvert, sans surprise, le concert sur l’énergique Arisen my senses en s’appuyant sur des effets de boucles démultipliant sa voix.

Le masque doré de James Merry, photo : julielivepics / instagram

La setlist fit la part belle aux morceaux de son nouvel album Utopia, entrecoupés par des reprises de titres issus de cinq albums précédents, revisités et réarrangés par son nouveau groupe, dans le même ordre que celle jouée, quelques jours plus tôt, au Primavera. En effet, les deux festivals se sont associés pour rendre possible sa venue : « On s’est mis à plusieurs pour faire une offre commune sur tel ou tel artiste. (...) C’est comme ça qu’on a pu faire venir Björk. » explique Marie Sabot, l’organisatrice du festival.

Un spectacle visuel avant tout

D’emblée, le show est captivant par son esthétisme et la qualité de la mise en scène : décor théâtral riche et féérique en mouvement, fleurs en matières gonflables évoquant le sexe féminin éjaculant des paillettes, chorégraphies millimétrées opérées par sept flûtistes tout au long du concert.

Musiciennes du groupe Viibra, photo : Santiago Felipe

Chaque chanson est plongée dans un univers visuel : vidéos accélérées d’éclosion de fleurs, champs de blé frémissant dans le vent, apparition d’animaux mythologiques étonnants - faunes, insectoïdes -, tableau à l’aura spirituelle sur Tabula rasa, paysage néoromantique pour Features Creatures, avatar de Björk en images de synthèse, etc. L’ensemble a tout pour captiver l’attention du public et exciter les déclencheurs photographiques.

De l’enchantement à la déflagration sonique

Hormis deux titres phares, Human Behaviour et Isobel, « exécutés à la perfection et dans de nouveaux arrangements, qui ont provoqué le bonheur des spectateurs. » dixit Le Figaro, la musique aux mélodies arythmiques reste, malgré tout, difficile d’accès pour les non initiés. Toutefois, la magie semble opérer sur une partie du public : « De la grâce, de la fantaisie et un spectacle d’une poésie rare, sublimé par une voix aérienne, parfois chuchotée, parfois poussée à l’extrême. » décrit Les Echos.

Progressivement, les basses ultra puissantes, presque agressives - qui peuvent rappeler la radicalité du live de Lanark Artefax, l’un de ses récents collaborateurs - prennent de l’ampleur. Le trio de fin composé de Losss, Sue Me, Notget dont les basses martèlent encore les cerveaux des premiers rangs, viennent contraster ce monde rose bonbon écolo-utopiste et laisse le spectateur étourdi, KO debout selon le degré de réceptivité.

Une expérience à revivre dans une « vraie » salle ?

Esthétiquement et visuellement, la tournée Utopia est l’une des plus abouties et travaillées. Les décors, les costumes, construisent un ballet futuriste, mais l’exigence d’écoute mériterait une nouvelle date pour révéler toutes les subtilités musicales. « Défi technique autant que scénique, ce spectacle sensuel et méditatif, a priori plus adapté au cadre d’une salle fermée (...) qu’à un espace ouvert et en plein air, a néanmoins rempli toutes ses promesses. » conclut Libération.

Pour le journal italien Corriere della Sera, à la question de savoir si elle mettait son auditoire à rude épreuve, Björk répondait : « Je ne sais pas comment faire autrement. Si j’allais voir un concert d’une artiste que j’adore comme Kate Bush, j’aimerais vivre le présent et écouter la musique qu’elle écrit à l’heure actuelle. C’est une façon de rendre le concert plus précieux, réel, unique. Je ne veux pas que les spectateurs participent à une sorte de karaoké géant. »

En effet, c’est à une toute autre expérience qu’elle nous a menés, une invitation intime d’où l’on ressort étourdi et suffocant.

photo : i_am_gregg / instagram

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5 juin 2018

mis à jour le 28 novembre 2019