L’Islandaise Björk s’est produite dimanche soir avec les cordes du Sinfonietta de Lausanne au Montreux Jazz Festival. Entre orchestrations aériennes et moments incarnés plus fervents, la chanteuse a livré une prestation toute en retenue, instituant un dialogue intime avec les musiciens et musiciennes.
Trente-deux musiciens et musiciennes de noir revêtus attendent la diva islandaise de l’électro-pop, tout comme le public trépignant et collé-serré de l’auditorium Stravinski qui ne peut la guetter sur les écrans latéraux hélas éteints. Vingt-quatre ans que Björk n’avait pas fait honneur au Montreux Jazz Festival.
Les dix violons, dix altos, dix violoncelles et deux contrebasses du Sinfonietta de Lausanne qui l’accompagnent uniquement pour cette incursion au bord du Léman de sa tournée européenne orchestrale s’activent soudain gentiment sur leurs instruments à l’entrée en scène du chef d’orchestre Bjarni Frimann Bjarnason, suivi de la maîtresse de cérémonie de cette soirée des plus éthérées. Où l’intimité du dialogue orchestral l’emporte sur les luxuriances visuelles et sonores d’"Utopia", sa précédente tournée de 2018.
Angélisme et extravagance
Björk salue son audience en apparaissant dans une robe aussi imposante que stylée constituant déjà un programme en soi. Aussi blanche que bouffante et légèrement scintillante, la robe de couturier se fend d’un haut bleu asymétrique à capuche. Tandis que la chanteuse de Reykjavik arbore un masque d’or ressemblant davantage de loin à des lunettes de réalité virtuelle.
Le décor est posé. Le classicisme devrait côtoyer une forme d’urbanité moderniste et l’angélisme frayer avec l’extravagance. A l’image des grands écarts pop dont l’autrice et compositrice formée initialement enfant à la musique classique, 56 ans désormais, a le secret. Sauf que cette fois, les cordes se passeront des technologies électroniques de pointe qui affleurent dans sa discographie.
Quand Björk vocalise sur l’impressionniste "Stonemilker", un silence attentif et respectueux règne soudain. Malgré un chant quelque peu maniéré de la soprano, l’audience est déjà conquise. Il en sera de même durant l’heure et demie de sa classieuse prestation manquant toutefois régulièrement de corps, d’incarnation pour totalement emporter, trop souvent paradoxalement monocorde. Un comble. Et Björk de lâcher un "merci beaucoup" dans un français impeccable avant de poursuivre sur des notes aériennes avec un "Aurora" qui aurait pu figurer sur la partition du "Lac des cygnes". Tchaïkovski n’a qu’à bien se tenir...
Arrangements millimétrés
Elle puise ensuite les chansons dans son répertoire des trente dernières années, en poursuivant sur "Come to me" (1993), avant de faire halte plus longuement sur ses albums "Post" (1995), "Homogenic" (1997), "Vulnicura" (2015) et sur la bande originale de "Dancer in the Dark" (2000), le film de Lars von Trier dans lequel elle tenait le rôle principal. Ce sont "Hunter", "Joga" "Bachelorette" et "Pluto", extraits de "Homogenic", qui constitueront les points d’orgue de ce Björk Orchestral aux arrangements millimétrés, tutoyant une amplitude inouïe jusque là et suscitant enfin le frisson pop.
En seize titres, Björk déroule son savoir-faire arty, avec une rare inflexion technoïde et s’autorisant même le silence pour donner le premier rôle au Sinfonietta au long d’"Overture", titre de vingt-et-un ans d’âge issu de "Vespertine". Visiteuse d’un soir pour une féerie éthérée au Montreux Jazz, l’Islandaise s’éclipse sous une ovation générale.