Geyser. Projet ambitieux créé en 2011 à Manchester, le show « Biophilia » arrive enfin en France ce soir.
Dieu que l’attente fut longue pour le public parisien qui guettait la venue de Björk depuis maintenant un an et demi. Mais là, sauf cata (genre nodule aux cordes vocales, qui lui fait annuler des dates à intervalles réguliers), plus rien ne devrait s’opposer à ce que la France découvre enfin la version live du lacis Biophilia. A partir de ce soir, la chanteuse pose ses valises pour un séjour longue durée, inhabituel dans le cadre de plannings internationaux : elle va jouer quatre soirs sous un chapiteau de l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), ce soir donc, et les 24, 27 février et le 2 mars. Puis, dans le cadre plus conventionnel du Zénith de Paris, les 5 et 8 mars. Et si Björk ne vend plus de disques depuis pas mal d’années, son pouvoir d’attraction scénique, lui, demeure intact puisqu’elle affiche déjà complet, malgré des tarifs élevés (55 et 80 euros).
Brocante. Pour être exact, il convient de rappeler que la diva islandaise est venue en France à deux reprises : l’été dernier, à Nîmes et à Lyon (Nuits de Fourvière). Mais, adaptés au plein air, ses concerts ne correspondaient alors qu’à une version light du projet initial, véritable usine à gaz qui, compte tenu de sa tournure élaborée, doit assumer le choix de s’inscrire dans la durée.
Fruit d’une gestation étalée sur trois ans, Biophilia est un concept global créé sur scène en 2011 à Manchester (Libération du 2 juillet 2011) et décliné ensuite sous diverses formes pédagogico-environnementalo-culturelles, avec documentaire, site web, applications numériques et le toutim high-tech.
Reprenons. Le 30 juillet 2011, le très select Manchester International Festival est sur son 31. Présenté en création mondiale, au Campfield Market Hall, Biophilia voit enfin le jour. Sur une scène centrale circulaire surmontée de panneaux servant d’écrans, est disposée une série d’instruments rétro-futuristes aux énoncés tous plus ou moins sybillins : un gamelan céleste contracté en « gameleste », un Tesla Coil (résonateur), des pendules-harpes en bois hautes de plus de 2 mètres, un orgue d’église inséminé par des claviers Midi…
L’œil à peine repu de cette brocante, l’offensive terrestre est déclenchée par un chœur féminin, armada composée de 23 Islandaises, plus deux musiciens, Matt Robertson (machines) et Manu Delago (batterie, percussions) et, bien sûr, la reine-mère, plus immanquable que jamais avec sa dramatique moumoute afro-rousse telle une injure à tous les canons esthétiques en vigueur. La partie musique a été pensée comme « une rencontre avec la nature, où les sons et les rythmes se réfèrent au système solaire et aux atomes ».
Par monts cyberfolk et par vaux electro-auguraux, l’affaire tourne rond. Alternant titres de l’album sorti début octobre 2011 (Cosmogony, Thunderbolt, Moon, Hollow…) et aussitôt passé à la trappe, et standards ayant façonné la légende pop (Hunter, Isobel, Declare Independence…), « Dora l’exploratrice » assume son rôle de chef de cordée. Seul bémol, les hululements parfois intempestifs des sirènes qui, à la longue, peuvent lasser.
Educatif. D’emblée, Biophilia a été conçu comme une traversée au long cours, sur une durée de trois ans, avec des résidences dans quelques villes, accompagnées d’un programme éducatif autour de workshops en milieu scolaire (mais où, là, ça n’est pas la chanteuse de Medúlla qui fait la maîtresse).
Après Reykjavik, Buenos Aires et New York, voici donc le tour de Paris. A l’origine, le séjour était pressenti pour le printemps 2012. Mais la difficulté à trouver un lieu adapté a fini par ressembler à une quadrature du cercle. Jusqu’à aujourd’hui, du moins.