Volta

Les Inrockuptibles n°591, 30 avril 2007

Parce qu’elle a mûri, Björk n’aborde plus la musique de la même façon. Mais une chose en elle est restée intacte : l’intensité avec laquelle elle s’investit dans chacun de ses projets. De ce point de vue, elle atteint même dans Volta un niveau rarement égalé depuis les pics de fièvre d’Homogenic. Faites de muscles, de souffles, de nerfs, d’humeurs et de matière grise, les chansons ô combien physiques de Volta le réaffirment avec force que son langage est d’abord celui du corps. Volta est un vibrant plaidoyer en faveur des pulsions les plus primitives de l’être humain. C’est un appel à la sensation qui prend parfois des accents guerriers – comme dans les rageurs Earth Intruders ou Declare Independence –, et dont l’écho se prolonge jusque dans les interludes, collages et autres paysages sonores qui se glissent entre ses chansons.

Volta renoue avec une veine nettement plus rythmique. Des rythmes sauvages, terriens, entêtés, que Björk a élaborés au dernier moment et confiés en grande partie à deux percussionnistes chevronnés. Les pieds de l’Islandaise font à nouveau la loi : on croirait les entendre trépigner d’impatience, soulever furieusement la poussière, lutter (d’arrache-pied) contre l’immobilisme. Pour Medúlla, elle avait réuni un vaste aréopage de voix de tous horizons, qui aurait pu fournir la matière d’un improbable festival international des arts de la bouche. Elle récidive dans Volta, en s’entourant d’invités qui, du producteur vedette Timbaland au collectif congolais Konono n°1, du crooner androgyne Antony au joueur de kora Toumani Diabaté, de la virtuose du pipa (luth chinois) Min Xiao-fen à une section de cuivres uniquement composée de jeunes Islandaises, forment un casting pour le moins hétéroclite. Dosées avec beaucoup de doigté tout au long du disque, ces saveurs sonores corsées pimentent un disque qui évite tous les pièges de l’infâme fusion world.

Ce disque est la déclaration d’indépendance d’une musicienne qui, jusque dans les plus intimes replis de son corps et de son âme, aspire plus que jamais à jouir librement d’elle-même.

par Richard Robert publié dans Les Inrockuptibles n°591

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